Actualité / Régulation en Espagne : vers une remise en cause de la structure institutionnelle de la
- vincentdelval0
- 19 janv. 2017
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Depuis sa création en 2013, la CNMC (Comisión Nacional de los Mercados y la Competencia) est en proie à de nombreuses difficultés organisationnelles, fonctionnelles et juridiques. A tel point que qu’une « Ley de secesión » devrait être adoptée au premier semestre 2017 afin de changer la structure institutionnelle de la régulation des industries de réseaux.
Créée en 2013, la CNMC est un régulateur multisectoriel né de la fusion de plusieurs autorités de régulation (énergie, télécommunications, audiovisuel, etc.) et de l’autorité de la concurrence.
Cette structure originale et unique dans l’Union européenne a pourtant été vivement critiquée dès son origine. Le choix de placer le droit de la concurrence comme dénominateur commun aux différentes sections de l’autorité rend par exemple l’activité de régulation économique difficile, comme en témoigne la plupart des études qui montrent qu’une séparation entre la concurrence et la régulation semble nécessaire. Par ailleurs, le fait de fusionner de nombreuses autorités sectorielles manque de cohérence : si la régulation des secteurs des industries de réseaux (communications, énergies, transports) peut sans mal être exercée au sein d’ une autorité intégrée (comme en Allemagne, au Luxembourg et en Lettonie), elle a peu de points communs avec celles de l’audiovisuel et des jeux en ligne (1).
En outre, la CNMC a depuis 2013 concentré de nombreuses autres critiques. D’abord des anciennes autorités de régulation fusionnées, la CME et la CMT en tête, critiquèrent l’idée même d’une telle fusion et pointèrent du doigt un défaut d’indépendance des nouveaux membres. Ensuite, la Commission européenne adressa à l’Etat espagnol en février 2015 une mise en demeure pour mauvaise transposition des directives européennes relatives à la régulation du secteur de l’énergie, compte tenu des pouvoirs trop limités de la nouvelle autorité. Enfin, la décision de la CJUE relative au congédiement des membres de la CME lors de la fusion des autorités sectorielles posa de nouvelles difficultés, les deux anciens membres devant être « réintroduits » (2).
A ces difficultés juridiques s’ajoutent deux éléments plus politiques. D’abord, la CNMC par la voix de son président a reconnu des tensions importantes entre les membres de l’autorité : suspicion d’impartialité, absence d’éthique, connivence avec certains lobbys, etc. (3). Ensuite, la CNMC a été créée à la demande du Parti Populaire (PP), qui disposait de la majorité parlementaire en 2013, et qui avait imposé la fusion des autorités sectorielles contre l’avis des partis d’opposition. Or depuis 2016, le PP n’est plus majoritaire et tous les autres partis souhaitent revenir sur la loi 3/2013 du 4 juin 2013.
Les parlementaires espagnols semblent donc décidés à modifier substantiellement la structure institutionnelle de la CNMC. Deux projets sont alors envisageables. Le premier est celui d’un retour à l’ancien système, c’est à dire à une multitude d’autorités de régulation sectorielle, épaulées par une autorité de la concurrence. Le second est une séparation des autorités de régulation et de la concurrence. Comme le note le Professeur Mariano Bacigalupo (4) « l’objectif n’est pas nécessairement de revenir à l’ancien système, mais d’au moins aligner l'Espagne avec la grande majorité des États membres de l'UE, dans lesquels l'autorité de la concurrence et les autorités de régulation sont séparées ». Il serait alors envisageable de voir l’Espagne se doter d’une autorité de régulation multisectorielle, à l’image de ce qu’on observe en Allemagne (Bundesnetzagentur - BNetZA), au Luxembourg (Institut luxembourgeois de la régulation - ILR) et en Lettonie (Public utilities Commission - PUC) à coté de laquelle agirait une autorité chargée du droit de la concurrence.
Prévue pour la fin du premier trimestre 2017, cette réforme devra donc être suivie de près dans la mesure où elle participera peut être au mouvement global d’intégration des régulateurs sectoriels des industries de réseaux au sein d’une autorité multisectorielles des réseaux.
(1) V. DELVAL, « Recherche sur un modèle d’autorité de régulation dans l’Union européenne dans les secteurs économiques et financiers », Thèse, Université Lille 2, pp. 92 et s.
(2) V. DELVAL, « Fusion des ARN espagnoles : le congédiement des anciens membres de la CMT est contraire au droit de l'UE », Le blog du droit de la régulation, 23 octobre 2016.
(3) Voir notamment : R. ARRANZ et B. MONTANO, « Situación límite en la CNMC: el grupo rebelde boicoteará al presidente hasta la llegada del nuevo Gobierno », Vozpopuli.com, 30 mars 2016 ; R. ARRANZ, « Marín Quemada reconoce la guerra en la CNMC: “Hay situaciones que no son normales” », Vozpopuli.com, 19 novembre 2016.
(4) M. BACIGALUPO, « La reforma de la Comisión Nacional de los Mercados y la Competencia », El Confidential, FIDE, 2 juin 2016.

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