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Jurisprudence / Concurrence entre TER et cars "Macron" : l'ARAFER voit juste

  • vincentdelval0
  • 18 janv. 2017
  • 5 min de lecture

Dans deux récents arrêts du 23 décembre 2016, le Conseil d’Etat a validé les avis défavorables de l’ARAFER rendus sur les projets de décisions de la Région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes visant à interdire l’ouverture de liaisons par autocar par la société Flixbus.




Lorsqu’une société de transport public routier souhaite ouvrir une liaison entre deux arrêts distants de 100 km ou moins, celle-ci doit être déclarée auprès de l’ARAFER. Le code des transports prévoit toutefois que dans les deux mois suivant la publication de cette déclaration, une autorité organisatrice de transport (service conventionné) peut, après avis conforme de l'ARAFER interdire ou limiter les services interurbains déclarés « lorsque ceux-ci sont exécutés entre des arrêts dont la liaison est assurée sans correspondance par un service régulier de transport qu'elle organise et qu'ils portent, seuls ou dans leur ensemble, une atteinte substantielle à l'équilibre économique de la ligne ou des lignes de service public de transport susceptibles d'être concurrencées ou à l'équilibre économique du contrat de service public de transport concerné ».


Cette procédure originale a pour objectif de permettre aux autorités organisatrices de transports, comme les régions pour le transport ferroviaire ou les aéroports pour certaines navettes, de ne pas être concurrencées de manière disproportionnée par les sociétés de transport par autocar. Comme dans le secteurs de communications (électroniques et postales), le secteur des transports ne voit en effet pas seulement une concurrence prendre forme entre les opérateurs d’un même secteur, mais aussi entre les différents secteurs. C’est notamment le cas du transport ferroviaire, concurrencé par le transport par autocar.


Depuis près d’un an, l’ARAFER a ainsi été saisie à plus de 80 reprises (92 avis depuis novembre 2015) afin de déterminer si oui ou non les nouvelles liaisons programmées par les sociétés d’autocar (Flixbus et Eurolines principalement) portaient une atteinte substantielle à l'équilibre économique des autres lignes de transport préexistantes. Près de 3/4 des avis rendus l’ont été au bénéfice des sociétés autocaristes, mais près d’1/4 des avis ont été rendus au profit des régions et des sociétés gestionnaires d’aéroports.


Dans ses deux arrêts du 23 décembre 2016, le Conseil d’Etat se prononce pour la première fois sur les avis défavorables de l’ARAFER rendus à propos de l’interdiction par la région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes de l’ouverture par la société Flixbus de liaisons entre Limoges et Brive-la-Gaillarde et entre Niort et Poitiers. A cette occasion, le Conseil d’Etat juge que la méthode employée par l’ARAFER n’est entachée d’aucune erreur de droit, l’arbitrage entre modes alternatifs de transport sur une même liaison s’effectuant au regard d’un ensemble de critères qu’il convient d’analyser de façon combinée.



Pour juger du bien fondé des demandes d’interdictions et de limitations, l’ARAFER procède en différentes étapes et s’appuie sur plusieurs critères lui permettant d’émettre en définitive des avis favorables ou défavorables :


1. L’existence d’une liaison assurée sans correspondance


Ce critère ne pose en général que peu de difficultés. En effet, les trajets proposés par les sociétés autocaristes relient en principe des villes ou des lieux qui sont déjà desservis par des liaisons sans correspondance par les TER ou les navettes des aéroports. Cette condition est donc généralement satisfaite.


2. L’existence d’une atteinte substantielle à l’équilibre économique de la ligne de service public


Celle-ci fait l’objet d’une déclinaison à travers plusieurs critères :


D’abord, l’ARAFER cherche à déterminer si les services de transport par autocar sont substituables aux autres services de transport. L’ARN opère alors une comparaison entre les caractéristiques des différents services. Sont pris en compte les critères de localisation des points de départ / d’arrivée, les horaires de départ et d’arrivée ainsi que les temps de parcours moyens des différents services de transport. Ces éléments permettent de déterminer si le service déclaré par la société autocariste présente un caractère complémentaire ou substituable au service conventionné.


Ensuite, l’ARAFER évalue l’impact économique des services déclarés sur les services conventionnés. Pour ce faire, l’Autorité de régulation utilise des méthodes d’estimation pour déterminer quel sera le report des voyageurs vers les services déclarés, et quelle sera la perte de recettes des services conventionnés.

Pour ces raisons, tous les projets d’interdiction émis par les sociétés gestionnaires d’aéroports ont été favorablement reçues par l’ARAFER. En effet, les sociétés autocaristes ont à plusieurs reprises souhaité ouvrir des liaisons entre des gares et des aéroports, à raison de plusieurs dizaines d’allers-retours par jour. Or les aéroports disposent le plus souvent de leur propre système de navettes, dont l’existence est prévue par les contrats de délégation de service public. C’est donc naturellement que l’ARAFER a toujours validé les demandes d’interdiction d’ouverture de nouvelles lignes d’autocar sur ces trajets. A l’inverse, de nombreuses liaisons interurbaines ont été autorisées par l’ARAFER, dans la mesure où les lignes de TER concurrencées présentaient soit des caractéristiques différentes (durée des trajets, horaires), soit étaient faiblement impactées par la concurrence d’un autocar à raison d’un ou deux trajets par jour.


Enfin, l’ARAFER évalue l’impact cumulé des services déclarés qu’entraine l’ouverture de lignes d’autocar. Cette évaluation est plus complexe et c’est dans ce cas de figure que l’autorité exerce son réel pouvoir d’appréciation et de régulation. En effet, il existe des situations dans lesquelles c’est l’accumulation de nouvelles lignes d’autocar qui porte atteinte à l’équilibre économique d’une ligne TER. L’ARAFER l’a bien compris, comme en témoigne une série d’avis relatifs aux projets d’interdiction de la région Pays de la Loire, au cours desquels l’autorité de régulation a progressivement autorisé la région à interdire les nouvelles lignes de bus sur certains trajets interurbains. En effet, l’ARAFER a d’abord autorisé l’ouverture d’une ligne d’autocar par la société Flixbus entre Angers et Le Mans, estimant que l’atteinte à l’équilibre économique de la ligne TER Nantes - Angers - Le Mans n’était pas substantielle (avis n° 2016-039 du 5 avril 2016). Puis elle accepta sous condition (réduction du nombre d’autocars de deux à un pour chaque horaire) l’ouverture d’un service déclaré entre les villes d’Angers et de Nantes par la société Eurolines (avis n° 2016-040 du 5 avril 2016). Enfin, elle finit par interdire l’ouverture d’une ligne par la société Flixbus entre Angers et Nantes, arguant du fait que l’impact cumulé des différents services déclarés porterait atteinte à l’équilibre économique de la ligne TER en question (avis n° 2016-042 du 5 avril 2016).



En définitive, l’analyse opérée par l’ARAFER montre que l’autorité de régulation procède par étape dans le contrôle qu’elle exerce sur l’ouverture des nouveaux services déclarés des sociétés autocaristes. Le transport par autocar pourrait en effet potentiellement concurrencer fortement le transport ferroviaire si l’autorité de régulation n’était pas en mesure de limiter les nouvelles lignes à un service complémentaire au service conventionné existant : les lignes d’autocar peuvent donc concurrencer le transport ferroviaire, mais pas trop.




 
 
 

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